La mort n’est point notre issue,
Car plus grand que nous
Est notre désir, lequel rejoint
Celui du Commencement,
Désir de Vie.
La mort n’est point notre issue,
Mais elle rend unique tout d’ici :
Ces rosées qui ouvrent les fleurs du jour,
Ce coup de soleil qui sublime le paysage,
Cette fulgurance d’un regard croisé,
et la flamboyance d’un automne tardif,
Ce parfum qui assaille et qui passe insaisi,
Ces murmures qui ressuscitent les mots natifs,
Ces heures irradiées de vivats, d’alléluias,
Ces heures envahies de silence, d’absence,
Cette soif qui jamais ne sera étanchée,
et la faim qui n’a pour terme que l’infini…
Fidèle compagne, la mort nous contraint
À creuser sans cesse en nous
pour y loger songe et mémoire ;
À toujours creuser en nous
le tunnel qui mène à l’air libre.
Elle n’est point notre issue.
Posant la limite,
Elle nous signifie l’extrême exigence de la Vie,
Celle qui donne, élève.
François Cheng – La mort n’est point notre issue
Extrait de « cinq méditations sur la mort »