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Je vois passer une photo sur le net.Celle d’une dame décédée du Covid.

Madame Mariette Tremblay.

Je ne la connais pas. Mais je l’aime instantanément. C’était une femme de cœur, je le sens, je le sais.

Je fige l’écran et plonge mon regard dans le sien.

Je lui murmure…

Madame Mariette, vous qui êtes morte du Covid… vous qui êtes devenue une parcelle lumineuse de ce miroir collectif, en ma prière, entendez à quel point je suis profondément désolée, à quel point je vous rends hommage… 

Un silence suspendu s’installe, émue, je prolonge l’instant, je ne veux pas qu’elle quitte mon écran.

Madame Mariette, puis-je vous demander une faveur ? Pouvez-vous faire un message à Dieu, pour moi ? C’est qu’à chaque matin, en ce temps de Covid, je choisis d’envoyer un petit mot à quelqu’un. C’est ce que je sais faire de mieux, c’est ma force solidaire, ma façon de mettre un peu plus de sens dans tout ce chao Covid. Voyez-vous, ce matin, j’ai pigé Dieu comme destinataire de ma missive du jour. Vous, dont le Covid fut le grand portail, vous qui dégagez tant de bonté, vous voulez bien être ma complice ?

Elle dit oui. Elle le dit dans ma tête. Du moins, c’est ce que j’ai décidé. Je jurerais l’avoir entendue rire de connivence. Je me lève alors le temps d’aller fermer la porte de mon bureau pour mieux vivre cet instant clandestin. Revenue à elle, forte de sa permission bienveillante, j’officialise mon discours. Elle devait avoir une bonne écoute, Madame Mariette parce que mes mots jaillissent en un instant de cœur à cœur… innommable.

Madame Mariette, permettez-moi une petite précision de départ. J’utilise ici le mot « Dieu », j’aurais pu prendre Univers, Grande Présence, Force de Vie…, et bien d’autres. Mais voyez-vous, en ce moment, le nom Dieu me convient mieux. Ça me prend un mot pour symboliser l’infinie puissance du grand mystère du miracle de la vie… En ce moment, c’est celui-là, c’est tout. Pas de temps à perdre, l’heure n’est pas à la psychoanalyse de mon choix. C’est comme une pige pour un échange de cadeaux de Noël. Ce matin, j’ai pigé le pseudonyme « Dieu » et je suis contente, simplement. Ne vous y conformez pas davantage, l’important est le message, et, justement, le voilà !

Cher Dieu, chère Dieu !

Je pense que vous êtes dû pour un petit cours d’humanité !

C’est ça notre rôle, non ? Vivre sur Terre et vous faire rapport des grands constats et leçons de vie ici-bas, non ? Une collaboration tout à fait normale considérant que vous, Dieu, brillant théoricien tenant la foudre de tous les potentiels, êtes l’architecte des possibles alors que nous, sur le terrain, nous construisons, nous rendons réels. En tant qu’experts et expertes de la matière, il est donc tout à fait logique que nous vous revenions régulièrement pour vous donner des nouvelles du chantier. Pour vous témoigner des reliefs de nos vies afin que vous appreniez la réalité terrain. Par nous, votre essence divine devient visible. Bref, on vous enseigne, non ? Sur plein de choses grandioses, mais aussi au quotidien de nos vies… D’ailleurs à cet effet j’aimerais vous préciser qu’il est encore difficile, sur Terre, de demander à des ados de changer le rouleau de papier de toilette même après des années de conditionnement, mais bon, ça, c’est une autre histoire, revenons au sujet planétaire du jour.

Oui, parlons Covid. Rien n’arrive pour rien, nous le savons. Toute épreuve a un code caché, ça aussi nous le savons.

Covid… nous saisissons ! Co, d’origine latine, signifiant « avec ». Vid pour vide. Donc Covid désigne « avec le vide », un passage à vide ! Pas très subtil comme camouflage de code secret ! La prochaine fois, rappelez-vous à quel point nous sommes astucieux et expérimentés pour découvrir les sens cachés de la vie.

Covid, une épreuve qui nous propulse dans le vide. Ça me rappelle tous ces cauchemars que j’ai faits pendant tant d’années. Cauchemars effroyables où j’étais plongée dans une noirceur éternelle qui me glaçait l’âme. Ils ont cessé le jour où j’ai compris que la noirceur n’était pas l’absence de vie, mais une dimension de la vie. Que si vous, Dieu, étiez Tout, alors vous étiez aussi la noirceur. J’ai donc compris que vous habitiez la noirceur et je vous ai senti là. La peur s’est dissipée instantanément. La noirceur existe toujours, mais en elle je suis en vous, alors son vide est maintenant un doux refuge où je peux vous entendre, écouter la voix du silence.

Votre, notre, Covid, est le vide vertigineux des grands repères qui s’écroulent. En ses recoins de noirceur, croyez-moi, Dieu, nous entendons, nous construisons, nous avançons. Nous avançons vers le meilleur de nous-mêmes. Le plan divin fonctionne. Nous renouons tous avec nos essentiels et ce qui en émerge est si vibrant, si émouvant, si percutant. Vous devriez voir tous ces élans de solidarité, toutes ces initiatives lumineuses, tous ces « ensemble autrement » qui jaillissent comme bourgeons au printemps. L’humanité est grande, si grande. Nous lavons notre âme aussi souvent que nos mains. Pour certaines personnes, le Covid est une colline à gravir, pour d’autres, c’est l’Everest. De cela naît une solidarité aussi puissante dans le visible que l’invisible. Nous sommes debout, tout en étant à « Je-Nous » en dedans. Cela Dieu, c’est immense !

De jour en jour, nous assumons de plus en plus ce passage. Nous cheminons au mieux possible. C’est toute une phase de décapage qui nous révèle plus que jamais notre véritable nature. Nous y consentons tranquillement avec de plus en plus d’humilité. J’avoue, Dieu, qu’il y a même quelque chose de réconfortant dans tout cela, délicat à nommer, mais qui fait sens en dedans. Oui, au pas-à-pas de nos vies, une lumière nous enseigne, nous le savons.

Mais, nous souffrons aussi, chacun et chacune à notre manière. La douleur a plein de visages, qu’elle soit au je ou au nous, elle est douleur. Et cela est triste, si triste. Tremblants et tremblantes, les pieds pendant dans le vide, nous vivons la leçon, nous incarnons la leçon. Et, lorsqu’on arrive à se blottir le temps d’un instant dans cet espace du cœur où la paix se fait trêve, nous sourions comme sourit une vieille sage qui sait que le vide du Covid, est plein ! Plein de bonté, de force, d’espérance, plein de notre nature véritable, plein d’une humanité grandiose.

S’il fallait toucher le vide, le Covid, pour constater le plein du cœur, alors, coché ! Nous saisissons. Nous sommes ! Alors Dieu, vous pouvez modifier vos plans.

Nous n’avons rien à vous promettre de tout cela, nous n’avons rien à nous promettre, car, nous sommes des promesses vivantes. Et si, Dieu, vous avez besoin de prières, sachez qu’il y en a des milliards debout sur Terre qui marchent seules, ensemble, la main sur le cœur.

Voilà notre cours d’humanité du jour, notre enseignement en offrande cher Dieu, chère Dieu. Ici-bas, le vide est plein d’amour. Nous n’apprenons pas la leçon, nous la devenons. Bien que douloureuse, la traversée est une ascension vers le meilleur de nous-mêmes à partir de tous les Je plus corps et âmes que jamais. Nous ne sommes ni héros ni mercenaires, nous sommes le prolongement de l’histoire humaine, là où elle est rendue. Nous sommes le résumé du chemin parcouru et la périlleuse courbe qui réajuste la vie, la voie. Pour plus d’amour, plus d’amour encore.

C’est Tout !

Le silence est revenu dans mon bureau. Madame Mariette, toujours à l’écran, est devenue l’icône de ma prière. Oui, je ne la connais pas, mais je l’aime. Je la remercie profondément pour son écoute et pour avoir accepté de livrer mon message. Puis, dans mon cœur, elle me répond d’un clin d’œil moqueur, que la livraison de mon message pourrait prendre quelques jours, parce que Dieu, c’est aussi des milliards de personnes.

Tout en révérence en dedans, je quitte l’instant pour aller vérifier si mes ados ont changé le rouleau de papier de toilette.

Jacinthe

Source : Jacinthe Paquette auteure de l’autruche spirituelle qui ne veut pas mettre sa tête dans le sable. https://www.autruchespirituelle.com/post/svp-madame-mariette

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